Article du point
Réponse à l’article « Des voix qui se sont tues » écrit par Nicolas Rousseau

Les propos de Nicolas Rousseau sur l’Ukraine dans Le Point, n° 347 (mars 2023) sont à mon avis problématiques sur plusieurs points. Notamment sa dénonciation d’un « discours moraliste dominant » pour caractériser l’ensemble des réactions à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

L’auteur invoque la tradition pacifiste de la social-démocratie, dont celle-ci s’était affranchie lors de divers épisodes qu’il rappelle. Pour prendre des exemples cités, la première guerre mondiale et les deux guerres contre l’Irak étaient des guerres impérialistes ; la guerre d’Algérie, menée par la France, était une guerre colonialiste contre un mouvement d’indépendance. Par contre, l’Ukraine étant agressée a le droit de se défendre et de se procurer l’armement indispensable.

Jaurès a payé de sa vie ses efforts pour empêcher la conflagration de 1914-1918. Mais il n’était pas partisan de la non-violence absolue, comme le montre son ouvrage, L’armée nouvelle (1910), préconisant une politique militaire défensive. Au contraire de Guy Mollet (durant la guerre d’Algérie), Jaurès a défendu le droit des peuples colonisés (exemples : le Maroc, les Philippines) à résister par les armes aux colonisateurs.

Quelques points méritent clarification :

1) « confrontation d’ambitions territoriales »

L’Ukraine n’a aucune revendication territoriale, sauf à considérer que la Crimée et le Donbass sont des terres russes. Or, Vladimir Poutine nie l’existence de l’Ukraine comme nation, attribuant sa création à Lénine et aux bolchéviks. Dans son discours du 21 février 2022, Poutine faisait l’éloge de la politique de Staline (qualifié par Lénine, en 1923, de « brutal argousin grand-russe »).

2) L’Ukraine, « État gangréné par la corruption »

La corruption gangrène tous les régimes issus de la décomposition du « camp socialiste avec l’Union Soviétique à sa tête » (vieille formule des années 1950). Y compris la Russie de Poutine, à en juger par la présence massive des fortunes d’oligarques russes dans les banques suisses et dont seule une infime partie a été bloquée.

3) « liberté syndicale entravée »

Ce n’est pas seulement en Ukraine que la liberté syndicale est entravée. En Russie et en Biélorussie, ces entraves sont bien plus graves. Certes, le gouvernement ukrainien mène une politique néolibérale… comme les pays de l’Union européenne et la Suisse, pour ne citer que ces exemples. Par ailleurs, Nicolas Rousseau semble ignorer l’existence en Ukraine de syndicats, de mouvements sociaux, d’associations féministes, d’organisations de défense des droits humains et d’une (certes petite) gauche socialiste – qui peuvent fonctionner, malgré l’état de guerre, et s’opposent aux politiques antisociales, mais qui participent simultanément à la résistance contre l’invasion russe.

La revue Public Eye (ex-Déclaration de Berne) a publié dans son n° 41 (avril 2023) un entretien avec Sasha Romantsova, animatrice du Centre pour les libertés civiles d’Ukraine (en activité depuis 2007). Les opposant∙es russes ne sont pas au bénéfice d’une telle marge de manœuvre.

En conclusion, voici les références de deux sites, utiles à connaître et animés par des militant∙es de gauche :

Hans-Peter Renk
Conseiller général au Locle, membre de solidaritéS-NE

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