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Le péage urbain, la fausse bonne idée ?

Passionnant et clivant, la thématique du péage urbain s’invite régulièrement dans le débat politique. En Suisse, plusieurs projets ont été pensés sans nécessairement voir le jour. Voici un court aperçu des enjeux.

Nombre d’individus s’insurgent contre le péage urbain en invoquant la sacro-sainte « liberté de mouvement » : au nom de la liberté individuelle, j’ai le droit de conduire la voiture que je veux, même un 4x4 qui pollue ou fait trop de bruit. Ils n’hésiteront pas à se présenter en victimes, car un péage urbain leur ferait payer une taxe supplémentaire pour se rendre dans l’agglomération désirée. Si cet argumentaire peut à juste titre faire sourire, le péage urbain a aussi de lourdes conséquences pour les personnes vulnérables pour lesquelles nous nous battons. En 2020, la Suisse comptait 4'658'335 voitures de tourisme : il est évident qu’un certain nombre appartient à la classe sociale ayant un faible pouvoir d’achat. Comme l’écrit Damien Broussolle dans la Revue française d’administration publique, « les ménages modestes sont ceux pour lesquels la perte d’une unité monétaire est la plus sensible. Il y a en effet un consensus dans la réflexion économique contemporaine pour considérer qu’une même unité monétaire ne représente pas le même montant de bien-être selon le niveau de richesse. » Par ailleurs, en fluidifiant le trafic, les ménages les plus aisés ont davantage à gagner car leur valeur temps est plus élevée. Pour les catégories plus modestes, le gain de temps ne compenserait pas nécessairement les coûts de péage. Même si les frais de transport individuel n’ont qu’un impact limité sur les ménages les plus modestes (ils utilisent les transports publics car le coût d’utilisation d’une voiture est trop élevé), il reste une frange importante de la population qui peut tout juste joindre les deux bouts et pour qui la voiture est nécessaire – femme de ménage qui enchaine les nettoyages dans différentes entreprises, retraité pour qui rejoindre l’arrêt de bus s’apparente à un parcours du combattant.

In fine, qu’est-ce qu’on cherche ?

L’argument souvent avancé est celui d’un outil nécessaire pour décongestionner le trafic. Plus que la congestion, le problème n’est-il pas l’aménagement urbain extrêmement – trop – favorable aux véhicules individuels ? Ou la pollution sonore ? Plutôt qu’un péage, oserions-nous imaginer tous les quartiers en zone 30 km/h, avec des radars antibruit sur certains axes ?

Le péage urbain pour financer la mobilité douce : à l’heure où la bagnole est encore reine et où les petits commerçants sont convaincus que leur chiffre d’affaires est lié au nombre de voitures dans la ville, la bataille politique s’annonce rude. Il n’est pas certain que le Parti socialiste ait intérêt à s’engager dans ce combat, au risque de conforter une image de « taxeur ».

La clé se trouve sans doute dans la capacité à proposer des villes qui permettent à l’ensemble des usagers de circuler dans le respect de chacune et chacun grâce à un aménagement équitable.

 Petit signal encourageant, les citoyens et citoyennes de la Commune de Neuchâtel ont accepté un crédit de 3 millions pour une mise en zone 30 km/h, des pistes cyclables, des espaces de repos et la pose d’un revêtement phono-absorbant dans un quartier populaire de la Commune. Gardons à l’esprit que le péage a des conséquences sur les plus faibles et que, comme le disait Jimmy Carter, « la mesure d’une société se trouve dans la manière dont elle traite ses citoyens les plus faibles et les plus démunis ».

Le péage urbain, la fausse bonne idée ?

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