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Poisons pour la démocratie

Il y a 150 ans, le 30 mai 1875, naissait à Travers Ernest-Paul Graber, l’une des grandes figures du socialisme suisse au XXe siècle. Parmi les quelque 7000 articles qu’il a signés dans La Sentinelle entre 1903 et 1956, une centaine ont été repris dans un recueil qui paraîtra l’an prochain aux Éditions d’en bas. On y trouvera des textes d’une surprenante actualité.

Ainsi, le 2 novembre 1944, Graber dénonce les « suiveurs », les « moutons » et les « hurleurs » qui risquent de mettre la démocratie en déroute. Trois dangers, écrit-il, menacent la démocratie : l’indifférence : « C’est le bacille sournois opérant ses ravages sans crier gare, sans qu’on s’en aperçoive, avant que le mal soit incurable. » Puis vient « le scepticisme corrosif de la droite, qui s’en prend à tous les élans, à tous les enthousiasmes, comme à toutes les revendications, si justifiées soient-elles, des masses ouvrières. » Et enfin,

« il y a surtout la démagogie extrémiste, celle qui propose de prendre la lune avec les dents, qui se livre à d’outrancières enchères, qui ne recherche point d’assurer, en fait et solidement, des avantages à la classe ouvrière, mais qui se livre à de simples exercices d’habileté manœuvrière, de dilettantisme tactique, dans le seul but de mettre ses adversaires devant des difficultés ou même de paralyser leurs efforts. »

Et il conclut par ces mots :

« On peut se détourner de ceux qui veulent étendre leurs ailes et prendre leur essor, parce que cela demande un effort. On peut briser les ailes en proposant de voler trop bas. On peut les briser aussi en leur proposant un vol icarien, au-dessus des forces humaines et qui mène à la chute.

Démocrates et socialistes que nous sommes, veillons au poison que, de trois côtés, on tente de nous verser ! » 

Aujourd’hui, les mêmes poisons menacent la démocratie. Le nombre croissant d’abstentionnistes qui ne jugent pas nécessaire de se prononcer lors des votations et des élections. Les slogans égoïstes des conservateurs qui combattent toute proposition visant à corriger, ne fût-ce qu’un peu, les injustices qui ravagent notre société. Enfin, la démagogie bruyante des extrémistes de droite et de gauche qui sont contre tout et refusent tout compromis, pourtant à la base du dialogue démocratique.

En Europe, les nostalgiques du fascisme, quand ce n’est pas du nazisme, clament leurs slogans nationalistes, revanchards, xénophobes et racistes qui n’ont guère changé par rapport à ceux qu’on entendait dans les années trente du siècle passé. À nouveau, c’est à nous, socialistes et démocrates, qu’il incombe d’organiser la résistance à ces empoisonneurs qui mettent en péril un siècle de conquêtes démocratiques.

Et comme l’écrivait Graber le 27 février 1946, sous le titre « Ouvrez largement la porte aux jeunes », nous devons accueillir dans nos rangs les jeunes citoyennes et citoyens qui seront à l’avant-garde de nos combats :

« Que partout le socialisme réserve un accueil cordial, chaleureux, aux jeunes. Il en retirera un immense profit immédiat par un apport de sang généreux.

Mais aussi il empêchera ainsi des trous et des hiatus dans l’action que le socialisme a entreprise pour créer un monde nouveau.

Jeunes et vieux, tendons-nous une main fraternelle et confiante. Nous avons besoin les uns des autres. C’est le seul moyen d’assurer les grandes relèves qu’exige la marche du temps et des événements. »

Poisons pour la démocratie

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