Je dois reconnaître que j’eusse aimé tout effacer. Lorsque j’ai proposé cet article consacré à la reconnaissance de la Palestine, il n’y avait encore ni pseudo-cessez-le-feu, ni récolte de signatures en faveur d’un tel projet. Naïvement, sans doute, je me suis laissé dire que les états d’âme de notre parti n’étaient plus d’actualité.
Hélas, non seulement il n’est jamais trop tard pour juger sa propre histoire, mais qui plus est, celle qui s’écrit au temps présent et avec une majuscule offre toujours son lot de malheurs. Au fond, rien n’a changé. De surcroît, peut-être que le lancement d’une initiative populaire apparaît comme une occasion de refaire la lumière sur cette triste affaire.
Alors, faut-il parler d’honneur de la gauche ? Parlons, plutôt, de saine lucidité. Celle dont beaucoup – dont votre serviteur – ont manqué dans les rangs de la social-démocratie à l’aube de ce qui reste et restera le génocide d’un peuple et la destruction d’une nation. Lucidité, donc, mais aussi décence de tous les socialistes unis le 8 septembre dernier derrière la reconnaissance d’un État palestinien au Conseil des États. Tous, sauf un. Silence sinistre d’un sénateur qui se rêvait ministre. Bref : les apparences sont sauves pour la gauche institutionnelle. Mais peut-on en dire autant des institutions elles-mêmes ? Je fais partie de ceux qui ont choisi de rester en marge des mouvements et des manifestations. Moins par appréhension pour cette forme d’engagement que par tempérament. Je n’aime pas les foules, je crains l’émeute et les meutes. Je respecte cependant énormément celles et ceux qui ont véritablement choisi de prendre parti. Chez les socialistes, c’est un slogan. Dans les rues, c’est avoir du cran. Il en faut ; elles et ils en ont.
Pour ma part, j’ai le défaut de faire confiance au bon sens des institutions et de celles et ceux qui se targuent de les servir. Le 24 juin, j’ai par exemple cru que le Grand Conseil soutiendrait une résolution en faveur d’un cessez-le-feu. Cela n’ébranlait en rien la République et eût été hautement symbolique. Trop, naturellement, pour les trois cinquièmes du parlement cantonal qui se sont courageusement retranchés derrière les prérogatives de la Confédération. Laquelle, pourtant, brille par ses atermoiements. Certes, l’on n’espérait déjà plus rien du Conseil fédéral. Lequel, de la main gauche, brandit le droit international et, de la main droite, les contrats d’achat des drones israéliens de combat. Mais le 8 septembre, les États auraient pu redonner un peu d’espoir aux gens. Occasion manquée pour la Chambre haute qui, sur ce point, est tombée bien bas. Au moment où je rédige ces quelques lignes, sa voisine du Conseil national peut encore espérer sauver ce qu’il reste à sauver de la crédibilité des institutions. Mais quels que soient sa décision et l’avenir de l’initiative populaire, il n’en demeurera pas moins la sensation qu’il y a décidément quelque chose de pourri au royaume d’Helvétie.
Tiens, au lendemain des votes au Conseil des États, la RTS se demandait (dans un article sans aucun lien, à la suite d’un sondage de la SSR) quels sont nos péchés capitaux préférés[1]. Alors, au regard de la triste actualité, je dirais volontiers l’indignité, l’inertie, la couardise, l’attentisme, l’hypocrisie, la compromission et la passivité.
Et c’est à se demander si, pour le Parti socialiste, l’on ne pourrait pas rajouter la collégialité.
[1] Cécile Denayrouse, « Avarice, paresse, colère... Quels sont les péchés capitaux des Suisses ? », RTS, 9 septembre 2025, consulté en ligne : https://www.rts.ch/info/societe/2025/article/sondage-revele-les-peches-capitaux-des-suisses-sous-la-loupe-28992101.html.