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Service citoyen obligatoire : quand la bonne idée devient contrainte

L’initiative « Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen) » propose d’imposer à tous les jeunes un service citoyen obligatoire, qu’il s’agisse d’engagements militaires, de protection civile ou d’activités sociales et environnementales.

À première vue, le projet peut séduire : responsabiliser la jeunesse, encourager l’engagement et soutenir des causes essentielles. Mais derrière cette façade se cachent des dangers majeurs. Ce qui se présente comme un geste citoyen pourrait devenir une contrainte lourde, injuste et contre-productive à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, le projet se revendique féministe et égalitaire. Pourtant, il risque de reproduire les schémas qui pèsent déjà sur les femmes. Le travail de care – soins, éducation, accompagnement familial – est majoritairement assuré par elles et reste largement invisible et sous-payé. Ajouter un service obligatoire non rémunéré ne ferait qu’alourdir cette charge sociale. Avant d’imposer de nouvelles obligations aux jeunes, la priorité devrait être de reconnaître, rémunérer et valoriser ce travail essentiel qui structure notre société. En cas d’acceptation, l’initiative creuserait encore les inégalités de genre au lieu de les réduire.

Les postes proposés seraient confiés à des jeunes sans formation spécifique et souvent sous-payés. Les secteurs visés – santé, social, environnement – manquent déjà cruellement de personnel qualifié et de reconnaissance. Remplacer des professionnel·les expérimenté·es par une main-d’œuvre peu formée dégraderait la qualité des services et tirerait les salaires vers le bas. Ce mécanisme créerait un véritable dumping salarial et réduirait l’incitation à investir dans de meilleures conditions de travail. De plus, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) n’autorise le travail obligatoire que pour le service militaire ou civil, pas pour ce type de missions généralisées. Ainsi, sous couvert de citoyenneté, ce projet risquerait de transformer des obligations de milice en travail forcé déguisé.

L’alinéa 3 de l’initiative précise que les priorités seront données à l’armée et à la protection civile. La liberté de choix des jeunes serait donc largement limitée. Les missions sociales et environnementales, pourtant vitales pour le bien-être collectif et la transition écologique, passeraient après les logiques militaires. La solidarité, les soins et l’engagement pour l’environnement deviendraient secondaires. Cette hiérarchisation illustre une vision réductrice de l’engagement citoyen, centrée sur la sécurité et la défense plutôt que sur la construction d’une société juste et solidaire.

En résumé, la mise en œuvre de cette initiative risquerait de creuser les inégalités de genre, de tirer les salaires vers le bas et de renforcer une logique militaire au détriment de l’engagement social et environnemental. Ceci alors qu’il existe d’autres possibilités, plus justes et efficaces : réduire le temps de travail sans baisse de salaire pour permettre à chacune et chacun de s’engager librement, valoriser les métiers du care, soutenir le bénévolat et les initiatives locales sur la base du choix et non de l’obligation, par exemple.

La véritable citoyenneté se construit dans la liberté et la solidarité, pas sous la contrainte. Le service citoyen ne doit pas être un devoir imposé, mais un choix motivé par l’envie de construire une société meilleure et plus juste. C’est pourquoi il est important de dire clairement NON le 30 novembre.

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