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Pandémie : vers un désert culturel ?

Le secteur culturel, un des premiers à avoir été arrêté pour cause de pandémie, sera l’un des derniers à pouvoir repartir « comme avant ». Mais ce « comme avant » est des plus incertain. Indépendamment des contraintes sanitaires, qui vont mettre à mal plus d’un lieu empêché de compter sur ses recettes habituelles, les effets de l’arrêt des activités se feront sentir longtemps.

La pandémie aura en effet démontré que la culture fonctionne comme un écosystème et le coup de gel qu’a constitué cet arrêt aura des conséquences pendant plusieurs années. Les spectacles, concerts ou expositions annulés seront, quand cela est possible, reportés sur la saison à venir voire la suivante. Il en résultera une saturation des lieux de diffusion qui rendra très difficile à de nouvelles créations de trouver où se produire. De même, les très nombreux festivals annulés sont bien souvent l’occasion d’un « marché » où les programmateurs visionnent films ou spectacles. C’est tout cet équilibre qui a été perturbé et cela fait courir un risque de désert culturel à l’issue de la crise sanitaire.

Derrière ces lieux éteints, ces affiches flanquées d’un bandeau Annulé, ce sont les actrices et acteurs culturel∙le∙s qui se retrouvent sans possibilité de travailler et bien trop souvent avec de très faibles ressources pour survivre, les aides mises en place étant insuffisantes. La crise exacerbe la situation déjà précaire des milieux culturels. Des indépendant∙e∙s touchent quelques centaines de francs par mois, des salarié∙e∙s sont suspendu∙e∙s aux décisions du SECO, qui fait mine de ne pas comprendre que le but des RHT, en l’occurrence, est de préserver les budgets existants pour la reprise du travail. Faute de moyens de subsistance et de perspectives d’avenir, beaucoup seront contraint∙e∙s d’abandonner leur métier, engendrant l’avancée du désert.

Ajoutons que l’immense majorité des politiques publiques financent en fait la diffusion des œuvres et non le travail permettant leur création. Il en résulte qu’il est très difficile d’espérer trouver un lieu d’accueil qui ne soit pas déjà saturé et que les budgets de la culture existants peuvent très peu être sollicités pour traverser la crise.

Ce problème pourrait être résolu : il suffirait de décider d’allouer les soutiens sur d’autres critères et de financer le travail et non la seule diffusion. À l’instar de la recherche scientifique, on pourrait financer la recherche artistique, comme l’a décidé la Ville de Fribourg. On pourrait aussi s’inspirer de ce que l’administration Roosevelt a mis en place pour les arts dans le cadre du New Deal sous le nom de Federal One. Ce programme a permis d’employer des milliers d’artistes et de réunir des millions de spectateurs, en encourageant l’éducation à la culture dans les écoles et en créant une dynamique culturelle dans les zones rurales. À l’échelle de notre canton, un programme d’éducation à la culture mêlant découverte et pratique aurait aussi l’avantage de préparer le public de demain et d’amener le regard des plus jeunes à la relation immédiate du spectacle vivant, qui s’accommode mal des écrans. Enfin, la collaboration avec les autorités et les services concernés pour faciliter l’utilisation de l’espace public à des fins artistiques serait une avenue d’autant plus intéressante pour notre canton que l’on y travaille à un centre national des arts de rue. Ce sont là quelques pistes que nos édiles feraient bien de creuser au plus vite, faute de quoi la désertification culturelle aura lieu.

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